Manquer de sommeil conduit inexorablement à l’augmentation de risques cardiovasculaires, de diabète, à des troubles de l’humeur, à la dépression, à des troubles somatiques. Il paraîtrait même que nos défenses immunitaires sont mises à mal par la privation de sommeil, comme le précise l’Inserm, nous serions plus réceptifs aux infections.
Au passage, sur ce dernier point, j’ai beaucoup de chance : depuis que j’ai arrêté la cigarette il y a 5 ou 6 ans, je n’ai plus jamais été enrhumé, ni consulté le médecin pour maladie infectieuse. Comme quoi, nulle fatalité…
A tous ces risques bien réels, mais non obligatoires, ne peut-on pas trouver des contreparties favorables ?
A l’Insomniaque Rebelle, nous revendiquons une approche décomplexée du sommeil, comme expliqué succinctement dans mon article “Du sommeil de l’injuste“. Nous choisissons de considérer cette pathologie comme un levier de transformation, plutôt qu’une pure maladie invalidante. Je vais vous expliquer ma vision des choses, et pourquoi, depuis 3 ans, je me réalise avec le temps, sans avoir pour autant résolu mes insomnies !
Par-delà la boucle sommeil-dépression
Il est un moment, où l’on ne sait plus trop distinguer l’origine de notre pathologie : sommes-nous dépressifs par manque de sommeil, ou manquons-nous de sommeil à cause d’un état dépressif ? Sans dériver vers le sujet de la dépression, retenons que ce schéma s’auto-entretient, en formant une boucle fermée.
Mais alors, comment peut-on sortir de ce système en boucle ? Nous écarterons les solutions chimiques et médicales, qui outrepassent la cadre de notre blog.
Il existe un domaine accessible en revanche, qui requiert uniquement notre décision, du travail, de la régularité: celui de nos pensées. La méditation nous enseigne comment nous réapproprier ce champ, afin d’exercer sur l’ensemble de nos fonctionnalités psychiques et physiologiques une action bénéfique dont les effets se forgent sur la durée.
Cette brèche, nous devons déjà en prendre conscience, c’est la première étape d’un travail que nous allons approfondir.
Avez-vous perdu vos bras et vos jambes ?
Parfois, il est bénéfique de se comparer à des situations plus dramatiques que la nôtre pour changer le cadre de notre vision routinière. Connaissez-vous Nick Vujicic ? Homme-tronc conférencier, qui inspire le monde. HOMME-TRONC-QUI-INSPIRE-LE-MONDE ! Que pensez-vous de cela ? Dans une vidéo, il nous invite avec dynamisme et optimisme à relativiser nos problèmes. Respect.
Certes, nous dormons mal ou peu. Certes, nos journées sont pénibles, éprouvantes. Certes, nous sommes trop fatigués pour sortir avec les amis le soir ou profiter comme on le souhaiterait de notre famille durant notre temps libre. Et alors? Y a plus grave dans la vie, vous ne trouvez pas ?
Attention, il ne s’agit aucunement de nier ce que nous vivons, nos difficultés. Personne d’autre que nous ne les vit à notre place. A votre avis, comment pensez-vous que Nick ait pu percevoir sa situation ? Croyez-vous qu’il se soit dit “Mais c’est trop cool ! Je n’ai ni bras ni jambes, je suis différent YESSS !” ? Probablement pas. On l’imagine plutôt perdu dans des questions métaphysiques de tous ordres, n’est-ce pas ? Et pourtant : HOMME-TRONC-QUI-INSPIRE-LE-MONDE!
Que s’est-il passé ? Comment, d’une situation jugée perdue, on se retrouve à inspirer le monde? En choisissant un autre cadre, une autre perspective sur notre situation, voilà la clé !
Décadrez-recadrez votre insomnie
Hum hum, facile à dire, belle théorie tout ça, vous me direz. Vraiment ? J’aimerais, si vous me permettez, partager avec vous mon cheminement de ces trois dernières années.
30 ans d’accumulation de fatigue et de nuits sans dormir
Début 2018, j’avais atteint un tel état de fatigue, physique, mental, que j’étais incapable à certains moments de comprendre un mot de ce qu’on me disait, il y avait un décalage entre les mots prononcés et la compréhension de leur signification. Wahou, c’est chaud ! Je me sentais totalement vidé, ma vie se ponctuait de séjours aux urgences, arrêts maladie car incapable de me tenir debout, les rares sorties engendraient des malaises ou je les annulais au dernier moment. Ma perception du monde, vous l’imaginez, se trouvait à des années-lumière de l’univers de Disneyland. L’image du cimetière m’était même apparue en vision, un pied dedans un pied dehors. La marge de manoeuvre était devenue filiforme, aucune autre solution que demander l’hospitalisation, pour tenter de durer encore un peu dans cette vie. J’entrai en maison de santé pour trois mois.
La renaissance
Je me suis retrouvé comme dans un sas de survie, sous oxygène métaphoriquement, débranché des contraintes du quotidien. Je me suis engagé dans une redéfinition de ce que je suis, qui je voulais devenir. Pourquoi cette foutue insomnie ? Pourquoi vivre comme ça, toujours fatigué ?
Durant les trois mois d’hospitalisation, j’ai rassemblé des lectures sur le développement personnel, mis en place des rituels de méditation, écouté de la musique inspirante. Des ateliers sophrologie, psychologie, relaxation, sport, étaient proposés. Autant d’activités pour se poser, s’explorer.
Un petit parc magnifiquement aménagé permettait de s’aérer et de marcher. C’est là que j’ai rencontré pour la première fois les arbres ; j’ai découvert leurs formes, leur énergie, leur inspiration. Un nouveau monde se dévoilait à moi.
J’ai perçu ce séjour comme le stade de chrysalide ; quelque chose de nouveau prenait forme, je le sentais, je le recherchais. Je suis parti en quête de connexions, à défaut de reconnexions, à moi-même et à l’Univers.
A partir de ce moment s’est ouvert un nouveau chemin de vie. J’ai pris la décision que j’allais désormais adapter ma vie à mon insomnie, et ne plus dépendre d’elle. Première étape : mi-temps thérapeutique, aménagement d’horaires de travail. Malgré la fatigue persistante, j’ai suivi des formations, des séminaires, lu énormément, me suis plongé dans les techniques d’optimisation du temps, de gestion d’objectifs, d’accomplissements de ses objectifs, tout y est passé. J’ignorais encore totalement comment ma vie allait bifurquer, mais je savais que je changeais de voie.
A émergée l’envie aussi de partager les difficultés à dormir, créer un blog, une communauté d’insomniaques, réfléchir à des activités à proposer. Plus tard, engagement dans une transition alimentaire. Aujourd’hui, je me suis aussi engagé dans la préparation au marathon.
Changement de cadre
Que s’est-il opéré en 3 ans ? Un décadrage-recadrage ! Je suis passé du statut de subir sa pathologie, à celui de se réapproprier sa pathologie, pour l’utiliser à son avantage, voire même de contribuer auprès d’autres personnes vivant la même chose.
Décider que mon insomnie serait le plus grand levier de ma vie constitue à ce jour l’une des plus puissantes décisions que j’ai prises.
En suivant un processus en 3 étapes, vous pouvez vous aussi procéder de la même façon.
Les 3 étapes du décadrage-recadrage
Quel que soit le programme interne que l’on souhaite modifier, il s’opère toujours de la même façon.
Etape 1 : prise de conscience, reconnaissance, acceptation
Quel est mon problème ? L’insomnie. Pourquoi est-ce un problème ? Je manque de vitalité ; je suis pessimiste ; je n’ai pas les idées claires ; j’arrive souvent en retard au travail ; je n’ai plus de vie sociale ; je suis renfermé avec ma famille etc…
Est-ce que je peux trouver les moyens d’améliorer les choses ? Oui : en consultant des thérapeutes ; en prenant rendez-vous dans un centre du sommeil ; en réévaluant mon hygiène de vie ; en explorant les aides naturelles : tisanes, plantes, aromathérapie, activité sportive. Non : j’ai déjà fait le tour de la question ; mes difficultés durent depuis un moment ; je n’en peux plus ; personne ne me comprend, je me sens seul face à mes difficultés.
Maintenant, vous savez où vous en êtes, vous connaissez le niveau de votre détresse, vous avez listé les voies à tenter, vous avez pris conscience de la situation, vous la reconnaissez, il ne reste plus qu’à l’accepter. Comment? En comprenant qu’elle vous est propre, qu’elle vous touche, que vous n’en avez en cet instant pas la maîtrise, et que vous devez provisoirement composer avec. Il est essentiel d’arriver jusque-là dans votre tête.
Etape 2 : résilience, changement de paradigme
Et si, finalement, votre insomnie survenait pour vous aider ? Avez-vous déjà envisagé ce point de vue ? En quoi cette hypothèse vous surprend-elle ?
Pour ma part, ma réflexion m’a fait réaliser que si je ne souffrais pas d’insomnie, je n’aurais jamais eu l’opportunité de vivre 3 mois en maison de santé, je n’aurais jamais découvert l’univers des arbres, je n’aurais jamais créé de blog sans doute, je n’aurais jamais eu le privilège de pouvoir travailler en mi-temps thérapeutique et ainsi profiter de me ressourcer, découvrir, me développer ; je n’aurais probablement pas décidé de me réorienter professionnellement en sophrologie, je n’aurais pas rencontré autant de chouettes personnes ayant les mêmes affinités, je n’aurais pas découvert et expérimenté autant de champs. Mon insomnie me permet aujourd’hui un revirement à 180%, radical, motivant, satisfaisant. Et ce malgré les nombreuses journées encore de grande fatigue, durant lesquelles on attend que le temps passe, en prenant sur toi, gardant à l’esprit qu’il y aura des jours meilleurs.
Alors, que pourrait vous apporter votre insomnie ? Vous redécouvrir ? Vous réorienter ? Repenser vos priorités ? Vous définir un nouveau cadre de vie ? Déménager ? Vous engager dans une nouvelle voie ? Vous affirmer dans la vôtre ? Faire une pause ? Engager une thérapie qui aura des répercussions dans toute vos dimensions? Si vous décidez de considérer vos difficultés de sommeil sous un nouvel angle, vous pourriez être surpris finalement des bénéfices qu’elles recèlent.
Etape 3 : engagement dans une nouvelle stratégie
A ce stade, vous avez reconsidéré votre situation. Vous l’avez clarifiée, puis acceptée. Vous avez ouvert de nouvelles perspectives, défini de nouvelles actions à mener.
Désormais, vous êtes à même de pouvoir rebondir sur une nouvelle trajectoire, celle d’une thérapie, de nouveaux engagements de soins, d’une formation, de nouvelles activités.
Depuis l’instant où vous vous êtes posé pour réévaluer vos difficultés de sommeil, à celui où vous êtes propulsé(e) dans une autre direction, quels changements émotionnels avez-vous ressentis ? Et maintenant, qu’en est-il ? Etes-vous plus optimiste? Plus engagé ? Avez-vous une meilleure perception de vos potentialités ? Vous sentez-vous plus confiant dans l’évolution constructive de votre difficulté ?
N’hésitez pas à partager avec votre entourage votre cheminement, cela le rendra encore plus concret. Témoignez dans les commentaires sous l’article, ce que vous avez ressenti.
Après la nuit, le jour!
Vous avez procédé avec succès au décadrage-recadrage, bravo! Soyez confiant dans vos capacités, le temps jouera en votre faveur dès lors que votre travail de déconstruction aura pris ancrage dans votre psychisme. Persévérez, acceptez de ne pas recouvrer un bon sommeil réparateur immédiatement. Ne cessez de penser à tout ce que votre insomnie, au final, vous aura apporté, éprouvez de la gratitude pour cela, et rendez-vous grâce aussi d’avoir su cheminer dans ce processus!
Concentrez-vous sur chaque nouvelle progression, chaque belle journée. Je vous souhaite une belle renaissance !